Alphonse de Lamartine, garde du corps de Louis XVIII. Restauration. Jeunesse du poete

Alphonse de Lamartine, garde du corps de Louis XVIII. Restauration. Jeunesse du poete

Napoleon regne et les Lamartine seront les ennemis irreductibles du nouveau regime. Leur hostilite est telle que le pere du poete, qui fut capitaine de cavalerie au regiment Dauphin, fournit trois remplacants, bien que le patrimoine fut des plus modestes, afin que le fils echappat a la conscription. Lorsque parut le decret concernant la realisation des gardes d’honneur, il etait si precis que le petit Alphonse ne pouvait manquer d’y etre incorpore, si le pere, de concert avec le prefet de Saone-et-Loire, M. de Ronjoux, ne se fut avise de le faire nommer, le 6 mai 1812, maire de Milly, bien qu’il n’eut gui?re atteint l’age legal requis pour exercer ces fonctions municipales.

Cet expedient n’assurait pas l’avenir du petit homme ; la rentree des Bourbons permit a M.

de Lamartine de solliciter du roi une place Afin de ce fils demeure fidele a sa cause et c’est tel vais garder du corps qu’il servit la Restauration.

Cet episode d’la life du poete reste assez mal connu ; il merite toutefois qu’on s’y arrete ; rien n’est indifferent de l’existence de Lamartine, surtout ce qui a trait a la formation de le caractere dans le moment ou il vient de perdre Graziella et ou y va aimer Elvire.

Le premier lait de Louis XVIII, apres nos Cent-Jours, fut de reorganiser les gardes du corps une Maison du Roi, a peu pres sur le meme pied ou ils etaient avant la Revolution. Ce corps d’elite, qui se composait de quatre compagnies, portant le nom de leurs capitaines : le duc d’Havre, le duc de Grammont, le duc de Noailles, le duc de Luxembourg, dont le chef, le major-general, avait le rang de marechal, commandant en chef, dont des capitaines avaient rang de generaux, les lieutenants de colonels et les simples gardes de lieutenants, etait cantonne, suivant que des compagnies etaient « de guet ou de quartier » ou n’etaient pas de service, soit a J’ai caserne du quai d’Orsay, soit a Beauvais, a Versailles ou a Saint-Germain.

Les conditions Afin de y etre admis etaient severes. Cela fallait produire des certificats de moralite, justifier d’une taille de 5 pieds 6 pouces (1 m. 787) et fournir un engagement des parents nos obligeant a verser au futur garde une pension de 600 francs. Cela fallait, en outre, etre agree, apres des formalites sans nombre, du capitaine et de l’etat-major. Ce pantalon dans la compagnie du duc de Noailles — l’ancienne compagnie ecossaise —, celle qui se distinguait par la bandouliere bleue, que Lamartine fut incorpore.

Le poete dit au sein d’ ses Souvenirs que c’est a sa belle taille, a sa prestance, a son elegance, qu’il dut de beneficier d’etre immatricule apres un premier echec.

Croyons-le via parole. Mes demarches de son pere y furent bien Afin de quelque chose ; mais c’est certain que lorsqu’il parut devant ses nouveaux chefs, dans la brillante tenue des gardes : casque a chenille noire et haut plumet blanc, tunique bleu royal a galons et a aiguillettes d’argent, culotte blanche, grandes bottes a l’ecuyere, ils ne durent gui?re regretter d’avoir accepte cette elegante recrue.

A peine incorpore, il fut dirige concernant Beauvais ; il y arriva entre le 12 et le 26 juillet 1814. Lamartine nous a laisse, dans quelques lettres datees de Beauvais, ses impressions sur un sejour qui ne parait guere l’avoir seduit. Notre toute premiere impression est deplorable. « Au milieu d’une plaine, ecrit-il a Aymon de Virieu, la nature a creuse une espece d’entonnoir, ou les hommes ont eleve une espece de ville. C’est la Beauvais, c’est le sejour humide et malsain que le ciel m’a choisi ! C’est la que je souffre deja d’un cruel mal de poitrine, pour y avoir respire l’air mouille d’hier au apri?m. » durant sa correspondance, il gemit dans sa condition physique et sur la fievre qui ne le quitte pas. Son moral est surtout malade.

Cela fut loge chez un epicier (et non chez un boulanger ainsi qu’il l’a ecrit), M. Durand, Grand’Rue-Saint-Martin, n° 1261, dans une maison qui n’existe plus et dans un quartier proche des murs et de la route de Calais. D’la fenetre de sa chambre, il voit la campagne et les pentes plantees de vignes du mont Capron. Le logement se composait d’une « vraiment solide chambre », c’est lui-meme qui le dit, ainsi, il ajoute (faut-il l’en croire ?) qu’on y accedait via une echelle.

Les gardes du corps qui revenaient a Beauvais y avaient laisse, avant 1789, une vraiment mauvaise reputation. On n’avait jamais perdu le souvenir de l’etrange bagarre qu’ils avaient provoquee au theatre, sites des rencontres sexe gratuits en chargeant, l’epee a mon tour, les gens du parterre desireux qu’ils se decouvrissent, en tuant un des spectateurs et en en blessant diverses.

A peine arrives, ils reprirent nos traditions anciennes. Ils avaient fait ecrire dans la porte d’un sirop ces mots : « Hotel privilegie des gardes du corps », ainsi, interdisaient a tout autre qu’a eux d’entrer au sein d’ l’estaminet. Si, d’aventure 1 client plus hardi osait s’y faire servir, ils portaient incontinent concernant l’espace et le consommateur et nos consommations. Un passant ne salue-t-il pas le detachement, l’officier qui le commande le poursuit jusque dans l’interieur d’une maison ou il s’est refugie ; ils renouvellent au theatre les scenes d’autrefois en exigeant que tous les spectateurs applaudissent aux passages politiques d’une Partie de chasse de Henri IV ; inventant mille arrogances Afin de molester les bourgeois, particulierement ceux chez qui ils logeaient.

Il ne parai®t pas que Lamartine ait commande sa part de l’ensemble de ces turbulences. Sa correspondance est muette sur ce point, ainsi, rien, dans les documents administratifs, ne vient rompre ce mutisme.